Sculptures - Jacques Brown

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SON ŒUVRE SCULPTEE. Entre 1953 et 1969 , il se met à la sculpture en plâtre, bronze et en polyester , qui seront ses moyens d’expression privilégiés pour représenter son monde intérieur.
 Les sculptures en plâtre.
Jacques Brown réalise 108 sculptures différentes en plâtre qui sont pour le grand nombre des pièces moulées d’après une empreinte réalisée sur terre, elle-même détruite lors de son moulage, aucune n’étant datées. Il s’agit donc ici surtout d’épreuves de travail ou d’archive, destinées à être réalisées en bronze ou en résine. Il existe néanmoins des pièces directement montées en plâtre sur une structure métallique et ces pièces sont des sculptures originales comme celle du Christ en croix. On y retrouve un certain mode de représentation de Jacques Brown et les sujets habituellement traités : têtes de personnages, sujets animaliers, et personnage en pied. Y figurent aussi des fragments de chars du Théâtre du Chariot des Coquilles.

 Sculptures en bronze.
Jacques Brown réalise 62 épreuves en bronze de sculptures différentes. On peut supposer que ces sculptures datent des années 50-60. Les interventions sur les fontes brutes ainsi que les patines sont souvent réalisées par Jacques Brown lui-même, on saisit donc encore mieux ses qualités et sa maîtrise de la sculpture, qui lui permettent de rester totalement maître de la métamorphose de ses dessins. Les sujets abordés restent à peu près les mêmes : sujets animaliers, personnages et portrait. Le portrait en buste d’Etienne Martin, qu’il réalise quelques années plus tard en résine de polyester. Jacques Brown se réapproprie la tradition antique du portrait en buste pour faire honneur à son collègue et ami bien que la sculpture ne ressemble en rien à son modèle. Jacques Brown comme Etienne Martin « (…) se passionne pour les signes ésotériques et en vrai plasticien, recherche l’hiéroglyphe des choses plus que les choses elles-mêmes2 ».

 Les sculptures en polyester.
Vers 1955, l’artiste a entrepris d’utiliser de nouveaux matériaux comme le polyester. Pour créer la résine de polyester, Jacques Brown utilise l’Araldite : c’est un adhésif liquide, à base de résine époxyde, sans solvant, durcissant à froid et à chaud, utilisé pour l’assemblage de divers matériaux (céramique, bois, métaux, caoutchouc, matières synthétiques…). Jacques Brown ne s’en sert pas comme colle mais comme matière première pour la sculpture. L’Araldite 2012A a un aspect de couleur crème ; c’est de la résine époxyde visqueuse. Quant au durcisseur 2012B, il a un aspect jaune à brun jaunâtre et ce liquide est légèrement alcalin et mielleux. L’artiste utilise des pigments et ainsi colore directement la préparation. Sa première pièce en polyester, il l’expose dans la galerie de Suzanne de Coninck à Paris, en 1954. C’est une carrosserie automobile pour un châssis de Bugatti, modèle type 57. La presse nationale s’empare de l’évènement et Jacques Brown est reconnu comme artiste sculpteur. Le matériau est une révélation pour l’artiste, avec lequel il réalisera de nombreuses sculptures polychrome. «… L’application sur la laine de verre, de résine imprégnée ça et là de couleurs agressives et discordantes offre à Brown l’occasion de créer des formes d’une glauque transparence aux contours indécis et irréguliers3… ». Jacques Brown réalise 33 sculptures en résine de polyester colorées dans la masse, réalisées soit en seul élément, soit en plusieurs éléments assemblés. Elles furent toutes réalisées entre 1954 et le début des années 70. Il y a plusieurs familles de pièces ; celles étant destinées à être chevauchées ou habitées d’un personnage (destinées à participer au Théâtre des Coquilles), celles se rapprochant des œuvres
2 Pierre Guéguen, revue La sculpture Aujourd’hui n°19, Paris, 1958, dans rubrique Artistes d’aujourd’hui. 3 Aujourd’hui, Art et Architecture, Boulogne sur Seine, neuvième arrondissement, septembre 1957 à propos de l’expo Francken, Saura et Brown ( s’en servir sur la matière) de Charles Delloye
 d’atelier comme les plâtre ou les bronzes. Les pièces de plus petites tailles sont soit des éléments complémentaires aux chars de son Théatre (fragments ou masques destinés aux acteurs) soit des œuvres particulières comme le Portrait d’Etienne Martin ou l’Ex-Voto pour une star (hommage de Jacques Brown à Marylin) et enfin celles ayant une dimension de monument. Le Grand Christ en Croix ou la Très Grande Forme Fantomatique semblent appartenir à cet autre univers de Jacques Brown, celui du monumental, qui suscitera de vives réactions de la part du public, comme le scandale du Grand Christ en Croix à Bagatelle.

 Les sculptures monumentales : les totems
L’une de ses premières sculptures monumentales est Le grand Christ en croix4, une grande sculpture en résine de polyester stratifié, composée de trois parties. Avec le polyester, Jacques Brown concilie ses exigences de peintre et de sculpteur. Il offre la possibilité de créer des formes contemporaines et irrégulières et d’être coloré à l’état liquide. La couleur joue un rôle à la fois organique et sculpturale. En 1956, Le Christ en croix est exposé au Salon de la jeune Sculpture, accroché à un arbre, dans le parc de Bagatelle : l’œuvre fait scandale. Jacques Brown a réalisé un « Christ », dont le visage est terrifiant : des yeux en forme de soupiraux, une bouche grimaçante. Le peintre écorche la matière, la griffe et joue avec sa transparence. Cet effet plastique donne à ce Christ, un caractère très réaliste. Jacques Brown n’a pas voulu représenter le Christ en majesté mais s’est servi de l’image du Christ pour évoquer les souffrances humaines. Selon Pierre Guéguen : «(...)L’œuvre est de la lignée des totems et des idoles, dont Apollinaire disait : « Ils sont des Christ d’une autre forme et d’une autre croyance. Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances ». (...)Brown sait maintenant comment modeler des traits, mais il a toujours peur d’eux, par pygmalionisme. Il craindra pendant longtemps le tête-à-tête avec une figure biologiquement vraie5 ».Jacques Brown montre un intérêt constant pour les totems, comme les artistes américains de sa génération. Les expressionnistes abstraits qu’ils soient sculpteurs, peintres, la plupart ont réalisé des objets qu’ils qualifient de « totems » ou dont les titres des œuvres évoquent un intérêt pour les pratiques totémiques, comme certains sculpteurs : Louise Bourgeois et certains peintres comme Jackson Pollock. Etant donné l’intérêt de Jacques Brown pour les écrits psychanalitiques, il est probable que les conceptions du totémisme se sont d’abord inspirées de Totem et Tabou de Freud, c'est-à-dire un texte reliant avec insistance les pratiques primitives à la structure moderne des relations décrites par la psychanalise. Le totem ne constitue donc aucunement pour l’artiste un objet archaïque. Il y voit plutôt l’expression abrégée d’un complexe de sentiments et de désirs qu’il sent opérer en lui-même et dans l’ensemble de la société. En témoigne la Très grande forme fantomatique de 1956, nommée aussi « L’homme illustré ». Elle reprend les mêmes caractéristiques faciales que celui du Christ en croix. Les formes anguleuses du visage et les empâtements de la matière donnent une dimension, non seulement effrayante mais dramatique à cette créature démembrée, qui semble pleurer toutes les larmes de son corps. « L’homme illustré, inspiré d’un héros de roman anglais, déchiffre sa propre histoire dans ses veines6… » : c’est une créature allégorique crée par l’artiste dans laquelle se matérialise tout le poids des peines humaines. Le Grand personnage fantomatique7 de 1958, est la figure universelle de l’homme et prend la forme d’une sculpture contrastée, basculant entre plein et vide : une personnalité vacillant entre pureté et obscurité, entre présence et néant 4 Exposée et reproduite et titrée au catalogue, p9, de la New York Art Foundation de Rome en 1957 et reproduite dans le n°8 de GUTAÏ, numéro spécial sur l’art informel, p11, édité à Tokyo au Japon, publié le 29 septembre 1957. 5 Article publié dans la revue La sculpture Aujourd’hui n°19, écrit par Pierre Guéguen, daté de 1958, dans rubrique Artistes d’aujourd’hui. 6 Pierre Guéguen, revue La sculpture Aujourd’hui n°19, Paris, 1958, dans rubrique Artistes d’aujourd’hui. 7 Grand personnage fantomatique. Reproduite et titrée dans le catalogue GUTAÏ n°9 en 1958. Reproduite dans le Catalogue de la galerie Stadler, Exposition « Trente ans de rencontres, de recherches, de partis pris » (1955-1985), Paris. p30. (1985).  E.C.



 
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